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Le Victoria Hotel, un havre sans paix

Un homme s’isole. Il est couturier, vit dans un tourbillon mondain, habille des princesses et des grandes dames. Mais il déteste ce monde, utilise sa sœur comme bouclier. Il part près de la mer se cacher encore davantage. Sa vie va changer dans un salon de thé quand il rencontre une jeune serveuse timide. Elle devient son modèle, sa femme idéale, sa compagne. Un jour, elle se lassera d’être une simple mannequin et prendra le pouvoir. En 2017, avec Phantom Thread, Paul Thomas Anderson s’intéresse moins à la mode qu’à l’obsession, à la manière dont certains êtres plongent dans une passion et n’en sortent jamais. Daniel Day-Lewis joue le créateur inspiré de Cristóbal Balenciaga et de Charles James. Vicky Krieps est la jeune femme.
Ce refuge, c’est le Victoria Hotel à Robin Hood’s Bay, un petit village du Yorkshire, dans le nord-est de l’Angleterre. La pluie et le vent battent ­fréquemment la bourgade, les éléments se déchaînent sur les maisons et les ruelles, décrites également dans plusieurs scènes du livre Dracula, de Bram Stoker. Construit, comme son nom l’indique, à la fin de la période victorienne, l’hôtel de seize chambres a ce mélange, typique du nord de l’Angleterre, d’intérieurs confortables et de vues exceptionnelles.
Disons-le franchement : ce genre de vacances ne convient pas à tout le monde. Il faut aimer marcher des heures le long des falaises le visage ballotté par la tempête, prendre des chemins à travers champs, sentir ses chaussures glisser dans la boue et regagner sa chambre d’hôtel pour se réchauffer avec un thé brûlant, pas forcément de la meilleure qualité, grâce à la bouilloire réglementaire des hôtels britanniques.
Le Victoria est de ces établissements qui attirent de drôles de touristes. Et le personnage de Phantom Thread en est un. L’hôtel n’est pas un simple décor. Il exprime toute la complexité du film. Son aspect policé, rigide, incroyablement vieillot est le signe de la personnalité de ce couturier dont chaque geste est contrôlé, ne s’autorisant aucune improvisation. Le paysage depuis les bow-windows est sauvage. C’est toute la beauté du Yorkshire qu’il regarde de son salon de thé, la liberté qu’il s’interdit mais dont il rêve. Et la jeune fille apparaissant dans sa vie à ce moment précis sera sa guide dans un nouveau monde. En un sens, le Victoria Hotel est le résumé du film.
Victoria Hotel, Station Road, Robin Hood’s Bay, Whitby, Royaume-Uni.
Clément Ghys
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